Publication 13/09/2013

FN et UMP : électorats en fusion ?

Analyse de l’Ifop réalisée pour la Fondation Jean Jaurès.

Peut-on parler d’un phénomène de « fusion » des électorats FN et UMP ? Pour y répondre, un retour s’impose sur ce qui s’est joué, de 2007 à 2012, entre les deux partis : au-delà des stratégies électorales et des discours des leaders, ces électeurs ont-ils les mêmes valeurs, les mêmes logiques, le même rapport au monde ?
De multiples signes d’une droitisation de la base électorale et militante de l’UMP
 
Le vote des motions lors des élections internes à l’UMP en novembre 2012 constitue un bon révélateur des mouvements à l’oeuvre dans le cœur militant. D’une part, on constate l’effacement assez manifeste de la géographie et de l’audience des anciennes familles de la droite : la Droite forte est en effet arrivée en tête dans 60 départements, bénéficiant, plus que les autres motions, d’un net équilibre territorial. D’autre part, on observe un véritable tropisme droitier qui affecte la base militante de l’UMP : si l’on additionne schématiquement les « droitiers » (Droite forte et Droite populaire), on arrive à un total de 38,6 % des votes, auxquels on pourrait ajouter une partie des voix de la Droite sociale. En outre, trois autres éléments révèlent ce tropisme droitier. D’abord, la très large domination aujourd’hui de Nicolas Sarkozy dans les enquêtes d’opinons réalisées auprès des sympathisants UMP (58 % d’entre eux souhaitent que Nicolas Sarkozy soit le candidat de l’UMP à la prochaine élection présidentielle, loin devant François Fillon et Alain Juppé) ; ensuite la forte propension des électeurs UMP qui désirent nouer des accords avec le Front national lors des élections locales (47 % des sympathisants UMP) ; enfin, la réaction des sympathisants UMP vis-à-vis de la loi sur le mariage pour tous, autre champ privilégié de la droitisation de ce parti.

Vers une convergence idéologique des électorats UMP et FN ?

Plusieurs aspects semblent participer du mouvement de porosité observé entre les deux électorats sur la période 2007-2013. On observe dans un premier temps un changement de cadre sémantique impulsé par Nicolas Sarkozy en 2007, et notamment son positionnement sur les questions économiques et son discours sur le « pouvoir d’achat », permettant in fine à Marine Le Pen d’être audible en 2012 : tandis que Nicolas Sarkozy ne parvenait plus en 2012 après cinq années d’exercice à incarner la figure du « candidat du pouvoir d’achat », Marine Le Pen s’est emparée de cette thématique, gagnant en crédibilité sur le plan économique, apparaissant comme « la candidate des petits, qui défend les bas salaires, les petits retraités, les petits commerçants ». Il en est de même avec le terme « assistanat », maintes fois utilisé par Nicolas Sarkozy en 2007, et utilisé abondamment par Marine Le Pen en 2012, donnant petit à petit l’impression que les deux partis parlent finalement la même langue. En outre, on observe au-delà des questions sémantiques que le terrain de rapprochement entre l’UMP et le FN se fait sur toute une série de craintes : 85 % des électeurs frontistes demandent aujourd’hui plus de protection vis-à-vis du monde extérieur, tandis que les sympathisants UMP sont 52 % (contre 28 % en 2006). On observe également ce rapprochement des deux électorats sur l’inquiétude vis-à-vis du déclin de la France, sur la crainte d’une inversion des rapports de force « entre les immigrés et les autochtones », ou encore sur l’inquiétude face à « une jeunesse jugée de moins en moins respectueuse ».

Un déplacement du centre de gravité des deux électorats, des différences réelles sur le plan économique

Les résultats enregistrés au sein des enquêtes d’opinion pour la période 2006-2013 témoignent dans le détail d’un phénomène de droitisation qui concerne en fait les deux électorats. A l’UMP, en sept ans, les thématiques migratoires et sécuritaires ont connu et abouti à un phénomène de crispation important : 87 % des sympathisants UMP pensent aujourd’hui qu’« il y a trop d’immigrés en France » (+ 25 points par rapport à avril 2006). Du côté du FN, la dédiabolisation apparente ne doit pas masquer un processus de radicalisation parmi les sympathisants de ce parti : alors qu’ils étaient 86 % en 2006 à penser qu’« il y a trop d’immigrés en France », ils sont aujourd’hui 96 %, soit une progression de 9 points en sept ans.

Ainsi, bien qu’un certain nombre d’événements récents confirme l’existence d’un phénomène de droitisation de l’UMP, c’est bien au déplacement du centre de gravité des deux électorats que l’on assiste, plutôt qu’à un phénomène de convergence entre les deux droites. En outre, les questions économiques semblent témoigner des différences qui persistent entre l’électorat UMP, encore fortement attaché au libéralisme économique, et celui du FN, majoritairement en attente de l’intervention de l’Etat pour corriger et encadrer le marché. Il en va d’ailleurs de même sur les questions européennes. Néanmoins, il existe une forme de porosité sur le plan économique entre les deux électorats : défense du pouvoir d’achat, lutte contre l’assistanat, demande de protection de la France à l’égard de l’extérieur. Il apparaît d’ailleurs que la porosité est la plus forte parmi les catégories populaires, qui constituent bien le principal enjeu des mouvements électoraux entre l’UMP et le FN.

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Jérôme Fourquet Directeur du pôle Opinion & Stratégies d'Entreprises

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