Les Français et le civisme

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25.06.25

  • Ifop Opinion
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Une inquiétude croissante sur le devenir de la citoyenneté

Interrogés sur l’évolution de la citoyenneté, les Français livrent un pronostic plutôt pessimiste : ils sont 86% à penser que notre société se dirige vers davantage de volonté de réussite individuelle et d’enrichissement personnel, 85% à anticiper une indifférence généralisée à l’égard d’autrui, et 84% à prévoir un repli individualiste. Ce pronostic s’accompagne de la crainte d’une indifférence croissante envers la chose publique, nourrie par la médiatisation excessive et la superficialité des débats : 80% anticipent un désintérêt accru des citoyens pour les affaires collectives, et 78% accusent les médias de transformer la politique en spectacle.

Ce diagnostic est particulièrement prégnant chez les plus âgés, qui perçoivent davantage le repli sur soi et le désintérêt pour la chose publique. D’ailleurs, 60% des Français jugent leur propre génération plus civique que celle qui les suit, un chiffre qui atteint 71% chez les 65 ans et plus. A l’inverse, les jeunes se montrent un peu moins alarmistes, laissant entrevoir une ouverture vers un rapport renouvelé à la citoyenneté.

Plus inquiétante encore est l’évolution de l’opinion publique dans le temps sur ces indicateurs puisque l’essor de l’individualisme et le désamour pour la vie de la cité sont nettement plus pronostiqués que par le passé (entre +11 pts et +28 pts selon les items).

Le civisme face à la défiance institutionnelle et médiatique

La montée de l’agressivité verbale est un symptôme fort du malaise civique : les Français la perçoivent massivement dans les débats politiques, sur les réseaux sociaux, dans l’espace public, et dans les médias (plus de 70%). Ils estiment que les réseaux sociaux et les médias sont des facteurs de division : respectivement 83% et 74% pensent qu’ils fracturent davantage la société qu’ils ne favorisent le civisme.

Cela s’accompagne d’une perte de confiance envers les élites politiques. Si les forces de l’ordre (73%) et les maires (69%) sont relativement jugés comme exemplaires, les élus (36%), les ministres (26%) et les parlementaires (24%) semblent perçus comme peu inspirants sur le plan civique.

Une vision du civisme principalement orientée autour du respect (des règles, des gens)

Pour la majorité des Français, le civisme se matérialise avant tout par des règles de savoir-vivre : 95% estiment que c’est l’incarnation première du civisme, devant le respect des institutions (75%) ou encore l’engagement pour sa communauté (30%). Ainsi, être un bon citoyen, c’est d’abord respecter les règles de vie en collectivité (95%), respecter les autres quelles que soient leurs origines (89%), et préserver l’environnement (87%). Payer ses impôts (85%), s’informer sur l’actualité (83%) et voter (82%) sont également jugés essentiels.

En revanche, les formes traditionnelles de l’engagement politique sont largement reléguées au second plan : seuls 13% considèrent qu’appartenir à un syndicat est indispensable pour être un bon citoyen, et 11% qu’il faut militer dans un parti politique. L’engagement communautaire attire toutefois davantage les jeunes que leurs aînés.

Cette conception du civisme reflète une approche plus comportementale que militante : on attend du citoyen qu’il soit respectueux, responsable, discipliné et informé, mais pas nécessairement acteur de la vie publique.

Une auto-indulgence sur son niveau de civisme, couplée à une vision très critique des autres

Malgré cet attachement affiché aux règles, les Français reconnaissent avoir eux-mêmes transgressé certaines normes. En moyenne, ils cumulent 3,6 comportements inciviques sur 12 listés, avec une différence marquée entre les hommes (4,2) et les femmes (3). Dans le détail, les incivilités les plus courantes concernent la voiture – le dépassement des limitations de vitesse (78% des conducteurs l’ont déjà fait) et le stationnement non autorisé (50%) – et les comportements les moins considérés comme non citoyens (jeter un mégot, cracher par terre, payer au black).

Pour autant, les personnes interrogées s’autoévaluent positivement en termes de civisme : ils s’accordent ainsi une note moyenne de 7,5/10, mais n’attribuent que 5/10 à leurs concitoyens ; une indulgence envers soi couplée à une sévérité envers les autres, révélatrices d’un climat de défiance mutuelle, qui peut compliquer le sentiment d’appartenance à un collectif partageant les mêmes valeurs.

 

Un civisme incarné aussi par le respect des symboles et des institutions, même si cette vision divise davantage

Au-delà des règles de savoir vivre, les Français affichent un attachement fort aux symboles républicains et à leur transmission (c’est la deuxième incarnation du civisme, 75%). Près de neuf sur 10 d’entre eux se déclarent favorables à l’apprentissage et au chant de la Marseillaise à l’école (87%) et près des trois quarts approuvent la participation obligatoire des écoliers aux commémorations nationales (71%).

Dans le même temps, ils sont également très nombreux à souhaiter la présence du drapeau français sur les bâtiments publics (87%) et les écoles (79%).

Des résultats sans appel mais traversés par des clivages d’âge (les plus âgés y étant plus favorables) et surtout de proximité partisane, les interviewés au centre ou à droite de l’échiquier politique jugeant bien plus positivement ces initiatives que ceux positionnés à gauche.

Au troisième plan : l’engagement des citoyens dans la vie locale… Sauf pour les écoliers !

Comparativement au respect des règles et des institutions, l’engagement au service de sa communauté est moins perçu comme une preuve de civisme (3ème incarnation, 30%). Dans les faits, c’est également la définition de la citoyenneté la moins mise en œuvre : 36% des Français se considèrent impliqués dans la vie de leur commune (44% chez les moins de 35 ans), et 54% se disent prêts à consacrer un peu de temps chaque mois à des actions civiques locales (en moyenne 7,3 heures) pour des activités comme des collectes alimentaires, du ramassage de déchets ou la participation à des conseils municipaux.

Pour autant, en manifestant un soutien massif au Passeport du civisme (90% des Français pensent que ce type d’initiatives devrait être généralisé autant que possible en France) et notamment aux actions de proximité qu’il promeut, les interviewés plébiscitent, pour les écoliers, un civisme de de terrain, concret, et solidaire. Les activités encouragées (premiers secours, nettoyage de quartier, visite aux personnes les plus isolées) révèlent ainsi une vision du civisme fondée sur l’entraide, la responsabilité et l’engagement local plus que sur une vision nationale et patriotique (par exemple : la participation aux commémorations, la visite des monuments historiques sont des activités bien moins plébiscitées).

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