À l’occasion du 21e Congrès des Régions de France qui se tiendra à Versailles le 6 novembre 2025, l’Ifop a interrogé les Français sur leur perception de la région et leur vision de la décentralisation. Une dynamique nette se dessine : la demande de proximité se traduit par un transfert de confiance vers les Régions, désormais perçues comme l’échelon le plus crédible pour agir et adapter les politiques aux réalités locales.
A – UNE VOLONTÉ DE RENFORCER LE POUVOIR RÉGIONAL DANS UN CONTEXTE DE FORTE DEFIANCE A L’EGARD DE L’ETAT
1 – Dans un contexte de défiance envers les centres de pouvoir nationaux ou européens, une nette préférence se dessine : 76% des Français souhaitent qu’à l’avenir, les pouvoirs de décisions se situent dans les régions, contre 16% à Paris et 3% à Bruxelles. Par rapport à 2002, l’appétence pour l’échelon régional progresse de +30 points, signe du désormais consensus au tour de l’idée que le niveau le plus apte à décider au plus près des réalités territoriales.
2 – L’idée d’un fédéralisme régional s’est installée également dans le débat public : les deux tiers des Français y sont favorables (64%), soit deux fois plus qu’il y a 20 ans (36% en 2006). Ce basculement traduit une acceptation du partage des pouvoirs entre l’État et les régions, afin d’adapter les règles à la diversité des enjeux locaux.
3 – L’idée d’une décentralisation excessive perd du terrain : 25% des Français seulement estiment que la décentralisation est allée trop loin, soit deux fois moins qu’il y a 20 ans. À l’inverse, 26% jugent qu’elle « n’est pas allée assez loin » et 35% qu’elle a « atteint un niveau suffisant ».
4 – La demande de proximité s’accompagne d’un surcroît de confiance envers le niveau régional : 86% des Français déclarent faire davantage confiance à leur région qu’à l’État (contre 74 % en 2021). Cette préférence traverse les âges, catégories et territoires, et atteint des sommets en milieu rural (94%).
5 – Cette préférence s’incarne dans des domaines concrets : pour améliorer la situation, les Français jugent la Région plus crédible que l’État pour le soutien au développement des entreprises (79%), la préservation de l’environnement (74%) et l’accompagnement vers l’emploi (71%). Ainsi, la Région est perçue comme l’acteur le plus apte à produire des résultats tangibles.
B – LE CONSENSUS AUTOUR D’UN RENFORCEMENT DES MOYENS ET DES COMPÉTENCES DES RÉGIONS DANS UN CONTEXTE OÙ ELLES APPARAISSENT COMME UN VECTEUR DE STABILITÉ PAR RAPPORT À UN ETAT DISCRÉDITÉ
5 – Les Français privilégient d’abord la clarification et le renforcement des compétences régionales : 91% y sont favorables. Viennent ensuite l’inscription des compétences des régions dans la Constitution (81%) et une présence renforcée des Régions auprès des institutions européennes (81%). À rebours, la suppression des régions ne séduit qu’une minorité (19%). Le message est net : rendre le système plus lisible et efficace, mieux garanti et mieux représenté.
6 – Dans neuf domaines de l’action publique, l’adhésion au renforcement des compétences des Régions est massif, et se situe entre 83% et 94%. En tête, les enjeux de santé et de mobilité: la lutte contre les déserts médicaux recueille 94% d’avis favorables et les transports 92% ; tandis que le bloc économie/emploi/formation se situe à 88%. Dans le même mouvement, huit Français sur dix appuient un rôle accru des Régions dans la gestion des fonds européens (80%).
7 – Ce mandat de « faire plus » s’accompagne toutefois de moyens jugés trop justes. Une majorité de Français considère que les collectivités, Régions comprises, ne disposent pas des ressources nécessaires : 55% estiment les moyens insuffisants (contre 43% en 2020, soit +12 pts).
C – UNE MOBILISATION DES RESSOURCES À LA HAUTEUR DES ATTENTES À L’ÉGARD DES COLLECTIVITÉS NÉES DE LA RÉFORME DE 2015
8 – Dix ans après la réforme, 52% des Français constatent un renforcement du poids politique des régions (contre 44% en 2015, à titre prospectif), mais seuls 49% voient un renforcement des services aux citoyens, 44% une simplification de la vie quotidienne et 43% une réduction des coûts de fonctionnement. La réforme a accru clairement la visibilité et l’influence des régions.
9 – Les attentes envers les conseils régionaux portent d’abord sur des leviers capables de traduire la réforme en bénéfices concrets au quotidien et de justifier une mobilisation accrue des ressources. La santé arrive en tête (lutte contre les déserts médicaux jugée prioritaire par 81%), devant la sécurité (61%) et le développement économique (61%). Viennent ensuite le soutien au pouvoir d’achat des plus précaires (60%), le bloc compétences/éducation (58% pour l’apprentissage-formation, 55% pour les lycées), puis environnement/climat (53%) et aménagement des zones rurales (47%). Ces priorités expriment une demande de services renforcés, de simplification tangible et d’efficience des moyens, au-delà du seul gain d’influence institutionnelle.
Le point de vue de Nicola Gaddoni de l’Ifop : La dynamique qui se dessine est nette : l’échelon régional s’est imposé comme le niveau de confiance et d’efficacité attendu. Avec 76% des Français souhaitant davantage de décisions prises dans les régions et 64% favorables à un système de type fédéral, le débat ne porte plus sur l’opposition entre centralisation et décentralisation, mais sur la capacité des régions à produire des résultats concrets et vérifiables pour les citoyens. La défiance envers les centres de pouvoir nationaux ne traduit pas un rejet de l’action publique, elle recentre l’attente sur un pilotage de proximité, plus agile, différencié et ajusté aux réalités territoriales.
Le point de vue de Régions de France : Cette enquête inédite illustre le souhait des Français d’un profond changement de méthode et d’une évolution institutionnelle ambitieuse donnant plus de places aux Régions. Echelon reconnu et apprécié de l’action publique, les Régions sont considérées comme les plus aptes à porter des politiques publiques essentielles. Dans neuf domaines de l’action publique, l’adhésion au renforcement des compétences des Régions est massif, et se situe entre 83% et 94%. Le nouvel acte de décentralisation annoncé par le Premier ministre rencontre donc des aspirations profondes auxquelles des réponses audacieuses sont attendues.