Une enquête Ifop menée auprès de 3000 fumeurs et vapoteurs dresse un panorama détaillé des pratiques d’achat de tabac et produits de vapotage en dehors des circuits traditionnels. Les résultats révèlent l’ampleur et la diversité des stratégies d’approvisionnement des consommateurs français.
Un recours majoritaire aux achats transfrontaliers
Plus de la moitié des fumeurs (53%) déclarent s’être approvisionnés via l’étranger au cours des 12 derniers mois. Cette pratique recouvre l’achat dans des points de vente ordinaires (35%), en duty-free (27%) ou par l’intermédiaire d’un ami revenant de l’étranger (25%). Le phénomène atteint 63% dans les départements frontaliers, avec un pic à 69% près de l’Espagne et Andorre. Les catégories aisées (66%) recourent davantage à ces achats transfrontaliers que les catégories modestes (47%), probablement en lien avec une plus grande mobilité géographique. Les jeunes hommes et les habitants de l’agglomération parisienne (63%) sont particulièrement représentés. Pour les produits de vapotage, 20% des consommateurs s’approvisionnent à l’étranger, sans différence notable entre départements frontaliers et non-frontaliers.
Revente : une capillarité domestique du parallèle
Au-delà de l’usage personnel, un acheteur sur cinq à l’étranger (21 %) reconnaît avoir revendu en France, un comportement particulièrement présent chez les moins de 25 ans (36 %) et dans l’agglomération parisienne. Cette revente « de proximité » entretient la circulation domestique de produits acquis hors de France et alimente un marché informel.
Des circuits illégaux de proximité bien installés
Parallèlement aux achats transfrontaliers, près d’un quart des fumeurs (23 %) se sont approvisionnés via des canaux illégaux (épiceries : 13 %, vendeur de rue : 8 %, Internet/réseaux sociaux). Les jeunes hommes, les Parisiens (35 %) et les catégories modestes/pauvres y sont surreprésentés : quand les ménages aisés arbitrent par l’étranger, les publics les plus contraints recourent davantage aux canaux illégaux de proximité.
La persistance du marché des puffs malgré l’interdiction
Côté vape, l’achat hors frontières concerne un vapoteur sur cinq (20 %), davantage chez les jeunes hommes et les Parisiens, sans surcroît spécifique chez les frontaliers. 14 % des vapoteurs passent par des canaux illégaux (rue, réseaux sociaux), avec un pic chez les jeunes, les catégories pauvres (21 %) et à Paris (25 %). Les puffs, pourtant interdites depuis février 2025, restent un point chaud : 16 % des vapoteurs en ont utilisé au cours des 5 derniers mois, et l’approvisionnement mobilise aussi Internet/réseaux sociaux (20 %), épiceries (19 %) ou la rue (9 %), signe d’une offre résiliente « sous le manteau ».
Le prix comme facteur déterminant des comportements d’achat
Face à une éventuelle augmentation des prix, 53% des fumeurs et 45% des vapoteurs déclarent qu’ils pourraient se tourner davantage vers les circuits non traditionnels. L’étranger reste l’option privilégiée (citée par 46%, et 62% chez les fumeurs exclusifs), devant internet (23%, mais 53% chez les vapoteurs exclusifs). Le prix constitue le critère jugé « déterminant » pour 60% de ceux qui achètent hors circuit traditionnel, devant la facilité d’approvisionnement (35%) et la disponibilité de produits non disponibles en France (21%). Pour 33% des consommateurs ayant recours aux circuits alternatifs, cette pratique est devenue « régulière » (15%) ou « assez fréquente » (18%). Cette proportion atteint 50% chez les hommes de moins de 35 ans.
Un paradoxe sanitaire : la perception du risque n’enraye pas la pratique
Une majorité de répondants juge les produits illicites plus dangereux que les produits du circuit légal (58 % pour la contrebande de cigarettes, 57 % pour la vape hors circuit). Pourtant, cette perception du risque ne suffit pas à inhiber les comportements lorsque dominent contraintes budgétaires, accessibilité et variété perçue.
« Nos résultats montrent un double visage du marché parallèle. D’un côté, un arbitrage prix massif vers l’étranger qui, sans être illégal dans ses volumes autorisés, fragilise les recettes fiscales et déplace une partie de la consommation hors du réseau légal. De l’autre, des canaux illégaux de proximité (épiceries, rue, réseaux sociaux) qui qui captent surtout les publics jeunes, urbains et contraints financièrement. »