L’Ifop a réalisé pour le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale une étude sur les perceptions des collectivités territoriales dont les résultats ont été présentés lors des journées parlementaires de LR à Troyes, le 20 septembre 2017. En voici les principaux enseignements.
La France rurale se distingue du reste de la population par un sentiment très net de souffrir de l’inaction des pouvoirs publics : 60% des ruraux partagent cette impression, contre seulement 39% des urbains et 36% en moyenne chez l’ensemble des Français. Le sentiment de souffrir d’un manque de services publics est ainsi deux fois plus répandu chez les personnes résidant à plus de 80 km du centre-ville (42%) que chez ceux résidant à moins de 10 km d’un centre-ville (21%). Et politiquement, ce sentiment d’abandon met en exergue un clivage très net entre les sympathisants d’En Marche (23%) et les électeurs situés à la droite de la droite comme les sympathisants DLF (47%) et FN (51%).
De manière plus générale, il apparaît très clairement que plus les Français s’éloignent des centres-villes, plus ils ressentent des difficultés d’accès à l’emploi, aux soins, au service public ou à des commerces de proximité. Ainsi, la majorité des ruraux a le sentiment de vivre dans un territoire délaissé par les services publics (56%), soit une proportion trois fois supérieure à celle observée chez les habitants de l’agglomération parisienne (18%) et deux fois plus élevée que chez les personnes vivant dans une banlieue populaire (34%). Et ce sentiment de délaissement est particulièrement prégnant chez les Français soutenant les partis protestataires : 41% chez les soutiens de La France Insoumise et 48% chez les personnes se disant proches du FN.
Ce sentiment d’abandon repose notamment sur l’impression d’une dégradation des services d’intérêt général au cours des 10 dernières années. Ainsi, la moitié des habitants des communes rurales ressent une dégradation de l’accès aux administrations publiques (51%), de l’accès aux services de santé (46% à 50%) ou du niveau de sécurité (50%) dans leur commune, soit des proportions systématiquement plus fortes que dans le reste du territoire. Et le sentiment que les choses évoluent dans le mauvais sens est encore plus fort en ce qui concerne l’accès à l’emploi (61%, contre 54% en moyenne chez l’ensemble des Français) ou la présence de commerces de proximités (64%, contre 51% en moyenne). Près d’un rural sur deux (44%) déplore également une dégradation de l’état des transports ferroviaires régionaux.
L’idée selon laquelle les campagnes seraient les grandes oubliées de l’action gouvernementale est d’ailleurs largement partagée : près des deux tiers des Français (63%) ont le sentiment que le gouvernement s’occupe moins des territoires ruraux que des villes. Et au regard des résultats de précédentes enquêtes, les ruraux s’avèrent de plus en plus nombreux à partager ce point de vue. En effet, les trois quarts des habitants des communes rurales (76%) expriment ce sentiment, soit deux fois plus que ce que l’Ifop avait pu observer en 2003 : 43% des ruraux partageaient alors ce sentiment.
Ainsi, aux yeux des Français, la « France des campagnes » (38%) constitue de loin le territoire le plus délaissé de la République, loin devant « la France des banlieues (27%) : les autres territoires testés n’oscillant qu’entre 10 à 15% de citations (14% pour les petites villes ou villes moyennes, 11% pour les territoires enclavés, 10% pour la France péri-urbaine). Naturellement, cette opinion est particulièrement répandue chez les ruraux (48%) mais aussi dans les catégories de la population les plus âgées, les moins diplômées et situées le plus en bas de l’échelle sociale.
Les campagnes ne sont toutefois pas les seuls territoires souffrant aux yeux des Français d’un manque d’investissement de la part des pouvoirs publics. En effet, si l’idée selon laquelle les pouvoirs publics n’en font pas assez pour les communes rurales suscite un véritable consensus (87%), une majorité de Français considère également que ces derniers n’en font pas assez pour les zones péri-urbaines (64%), les banlieues populaires (60%) et les villes moyennes (51%). En revanche, une majorité de Français s’accorde pour trouver que les pouvoirs publics en font « trop » pour Paris et la métropole du Grand Paris (60%). À noter que politiquement, cette question met en exergue des clivages très nets. En effet, alors que le sentiment de délaissement des campagnes tend à croître à mesure qu’on avance vers la droite de l’échiquier politique, l’idée selon laquelle les pouvoirs publics n’en font pas assez pour les banlieues populaires est d’autant plus répandue que les électeurs se situent à la gauche de la gauche. En effet, de 44% chez les sympathisants FN et 55% chez les sympathisants LR, ce sentiment monte à 65% chez les sympathisants LREM pour finir à 78% chez les sympathisants de la France insoumise.
De manière générale, la confiance à l’égard des élus pour réduire les inégalités territoriales ne domine pas dans l’opinion publique. À l’exception du maire, tous les élus de la République suscitent un sentiment de défiance majoritaire quant à leur capacité à agir en faveur d’une réduction des inégalités entre les territoires. Même les sénateurs, présentés pourtant comme les défenseurs des collectivités territoriales et de la ruralité, suscitent la défiance d’une majorité de Français (67%). Seul le maire, qui est de manière générale l’élu le plus populaire aux yeux des Français, a la confiance d’une majorité de Français pour agir en la matière (62%).
Les Français se montrent pour une majorité d’entre eux sensibles au sort des territoires, y compris dans un contexte de réduction des moyens des communes. Ainsi, 58% estiment qu’il est nécessaire de garder des services publics à proximité des usagers sur l’ensemble du territoire (quitte à augmenter les impôts) quand 42% font prévaloir la nécessité de contenir le déficit public. La majorité (54%) concède également que la réduction des dotations aux collectivités locales est une mauvaise chose susceptible d’étouffer certains projets locaux. Si les habitants des communes rurales montrent une perception plus aigüe de ces problèmes, ce n’est pas le cas des sympathisants de droite, dont on a pourtant vu qu’ils étaient attachés à la préservation des territoires. Or, quand les deniers publics entrent en ligne de compte, les sympathisants des Républicains se montrent plus durs : 55% estiment qu’il faut faire des économies, quitte à fermer des services publics, et 53% voient dans la réduction des dotations aux collectivités locales un moyen de leur faire gérer plus rigoureusement leurs finances.
Les dernières mesures budgétaires annoncées par le gouvernement sont accueillies sans surprise : les baisses de prélèvements plutôt positivement, et les hausses d’impôt ou coupes budgétaires, plutôt négativement. Sept Français sur dix (72%) approuvent ainsi la suppression de la taxe d’habitation pour les foyers dont le revenu fiscal est inférieur à 27 000 € par an (43 000 € pour un couple sans enfant). D’un autre côté, environ un tiers seulement accueille positivement la réduction du nombre d’emplois aidés (36%) ou encore la hausse de 1,7 point de la CSG (35%). Concernant la suppression sous conditions de la taxe d’habitation, on observe qu’elle est bien reçue même chez les ruraux (75% l’approuvent) alors qu’elle annonce un manque à gagner pour les collectivités. Les catégories aisées (48%) et les sympathisants des Républicains (53%) montrent quant à eux un soutien plus en retrait à cette mesure, celle-ci bénéficiant principalement aux plus modestes et pas du tout aux classes moyennes et supérieures. L’écart entre ces publics et l’ensemble des Français est encore plus manifeste à propos des contrats aidés : 56% des catégories aisées et 59% des proches de LR approuvent la réduction de ces contrats, pourtant largement boudée par la population dans son ensemble.
Indépendamment du niveau d’adhésion à chacune des mesures annoncées par le gouvernement, la majorité des Français voit dans ces réformes un obstacle qui va empêcher leur commune d’agir ou d’investir dans les prochaines années. Pour 78%, c’est la baisse des dotations de l’Etat qui va grever l’action de leur commune quand, pour deux tiers, la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des foyers fiscaux (66%) et la réduction du nombre d’emplois aidés (65%) vont aboutir aux mêmes conséquences. L’électorat de droite, et notamment les proches des Républicains, redoute même encore plus cette conséquence néfaste des mesures annoncées par le gouvernement… sauf pour les contrats aidés (47% estiment que cela n’empêchera pas leur commune d’agir). Quoiqu’il en soit, le type de territoire qui pâtira le plus de ces mesures est clairement identifié par les Français : il s’agit des communes rurales (pour 47% des Français, et jusqu’à 66% chez leurs propres habitants), loin devant les petites et moyennes villes (19%), les banlieues populaires (14%), les zones péri-urbaines (12%) et les centres-villes des grandes agglomérations (8%).
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