Entretien 26/10/2022

“Pour une éducation sans violence, l’accompagnement est de loin le moyen à privilégier”

 

La Fondation pour l’Enfance, luttant pour améliorer la protection des enfants, et le respect de leurs droits fondamentaux, a lancé en 2022 le Baromètre sur l’ancrage des VEO dans la société française avec le pole Opinion. Clémence Lisembard, responsable des opérations, revient sur les raisons de lancement de ce baromètre, ainsi que les principaux constats.

 

 

 

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots La Fondation pour l’Enfance et partager avec nous le contexte de lancement de ce premier baromètre des violences éducatives ordinaires (VEO) ?

 

 

La Fondation pour l’Enfance est une fondation reconnue d’utilité publique, qui s’attache à repérer et à lutter contre les violences faites aux enfants. Nous ciblons en particulier les actions de prévention et couvrons un large spectre de violences. Nous avons un rôle de détection et de soutien à l’innovation de projets plus efficaces pour protéger les enfants.

 

L’engagement de la Fondation pour l’Enfance dans la lutte contre les violences éducatives ordinaires (VEO) s’inscrit dans le long terme :

  • La première campagne télévisée en 2011 avait pour objectif d’expliquer que la violence éducative est une violence qui se transmet au fil des générations ;
  • La seconde campagne en 2013 mettait en lumière l’impact immédiat sur l’enfant et l’importance de se placer au niveau de ses ressentis : « une petite claque pour vous, une grande claque pour lui » ;
  • Le dispositif de sensibilisation lancé en janvier 2018 abordait les conséquences et effets à plus long termes sur l’équilibre de l’enfant. En effet, de nombreuses études scientifiques ont établi un lien entre les violences subies pendant l’enfance et certaines maladies chez l’adulte comme l’obésité ou la dépression par exemple. Les violences éducatives sont un sujet de santé publique.

Ces années de combat, relayé par d’autres associations ont permis le vote de la loi du 10 juillet 2019 précisant que « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Cette loi est cruciale car il s’agit d’une reconnaissance légale et que cet article est cité lors des mariages civils.

  • Notre dernière campagne 2021 montrait l’importance du dialogue avec l’enfant et l’idée sous-jacente qu’en règle générale les adultes ne sont pas violents entre eux, pourquoi légitimer le fait de l’être pour élever un enfant ? Cette campagne a également été complétée par la bande-dessinée « De quoi as-tu besoin ? » pour transmettre les informations clés sur le développement du tout-petit et inciter à une éducation sans violences.

 

Afin d’évaluer les résultats produits par cette décennie d’actions et le vote de la loi auprès des parents de jeunes enfants, nous avons lancé cette année ce baromètre sur l’ancrage des VEO dans la société française. Son objectif est de mesurer l’état de l’opinion et des pratiques et ainsi d’inciter les pouvoirs publics à agir.

Menée par Ifop auprès 1 314 parents d’enfants de 0 à 10 ans, les chiffres relevés sont inquiétants car près de 8 parents sur 10 déclarent avoir recours à une violence éducative ordinaire, qu’elle soit physique ou morale.

 

 

 

L’étude nous révèle que 79% des parents déclarent avoir eu recours à au moins une violence éducative ordinaire, qu’elle soit physique ou morale, durant la semaine précédant le sondage (soit près de 8 parents sur 10). Néanmoins l’étude dévoile en parallèle que la loi d’abolition de 2019 interdisant les VEO est connue par 63% des parents interrogés.

Quel constat faites-vous face à ses résultats ?

 

 

En effet, ce constat est très préoccupant.

La loi d’abolition de 2019, connue désormais par 2 parents sur 3 aurait toutefois un début d’effet symbolique sur les violences physiques :

  • Celles-ci sont comparativement à d’anciennes études, moins mises en œuvre (même si une part non négligeable de parents y a encore recours : 23% donnent une fessée, 20% bousculent et 15% donnent une gifle).
  • De fait, les interviewés ont plus le sentiment qu’il est possible d’élever un enfant sans jamais avoir recours à la violence physique (vs la violence morale).

Pour autant, les violences psychologiques restent très utilisées : 55% des parents interrogés « crient très fort » après leur enfant, 48% punissent, font du chantage par la privation à 46% (dessert, écran, bonbon, doudou) ou par la promesse d’une contrepartie à 42%.

 

Dans notre étude, sur 15 actions associées à des VEO, les parents en identifient en moyenne 9, soit près d’1/3 qui ne sont pas reconnues comme telles. Parmi elles, les menaces, chantages et privations, ou le fait d’enfermer l’enfant dans une pièce ne semblent pas être des violences pour 50% des parents interrogés.

Les parents semblent donc en réel besoin de comprendre ce qu’est une violence éducative ordinaire et où placer la limite.

Et ce n’est pas étonnant car la loi de 2019 n’a jamais été complétée de dispositions plus claires ou d’action de soutien. Pourtant les preuves scientifiques des répercussions médicales et sociales de ces violences s’accumulent et l’on sait que la violence éducative est, dans certains cas, la première étape vers des violences plus graves (légitimation de la maltraitance par l’éducation)

La grande difficulté des parents est donc de savoir comment assurer une certaine discipline sans recourir à ces violences.

 

 

 

Ce baromètre vous a permis de comprendre et d’analyser le comportement des parents face à la question des violences éducatives ordinaires. Quelles vont être les actions à mettre en œuvre pour prévenir les VEO ?

 

 

Les solutions proposées à ce jour par les pouvoirs publics pour accompagner les parents ne sont pas adaptées : mal connues, trop passives, pas assez précoces, et ne s’appuyant pas sur des approches qui ont fait leurs preuves pour vraiment outiller les parents.

Ces solutions sont à revoir. Nous avons soutenu de nouvelles approches en ce sens.

 

Pourtant, le baromètre souligne que le moyen perçu comme le plus adapté pour appliquer une éducation sans violence est de loin l’accompagnement : 49% des parents l’expriment par la volonté de recevoir des astuces et conseils pratiques pour mieux gérer les situations « à risque ». Ils sont 28% à plébisciter « des enseignements sur les conséquences des violences éducatives sur le cerveau de l’enfant «, 27% « des ateliers de soutien à la parentalité avec des professionnels de santé et de la petite enfance » et 24% « un groupe de parole avec d’autres parents » (24%).

 

Convaincus qu’une loi contre les VEO ne suffit pas, nous militons pour la mise en œuvre d’un grand plan d’information et d’éducation des parents et de tous les professionnels de l’enfance à travers trois actions majeures :

  • Encourager les acteurs de soutien à la parentalité à aller au-devant des parents pour permettre la prise en charge d’un plus grand nombre de familles en difficulté.
  • Financer des programmes de soutien à la parentalité qui ont été évalués méthodiquement et qui ont fait leurs preuves.
  • Produire des recommandations claires et lisibles pour les familles, pour les éclairer sur la question des repères et limites dans l’éducation.

 

 

Découvrez l’ambition positive de La fondation pour l’Enfance

Pour plus d’informations sur La Fondation pour l’Enfance : consultez le site web

Vos interlocuteurs

Marion Chasles-parot Directrice de clientèle - Opinion & Stratégies d'Entreprises

Lisa Roure Chargée d’études - Opinion & Stratégies d’Entreprise

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