A deux mois du premier tour l’élection présidentielle, le magazine Femme Actuelle a commandé à l’Ifop une grande enquête permettant de faire un état des lieux des positions des Françaises sur tout un ensemble de propositions ou thématiques agitant la campagne électorale. Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif de 2000 personnes – dont 1000 femmes et 1000 hommes –, cette enquête met en lumière deux tendances apparemment contradictoires :
- L’alignement d’une grande part de l’électorat féminin sur les « fondamentaux » constituant le cœur de l’offre politique de la droite radicale (ex : insécurité, immigration…) même si c’est dans des proportions toujours moindres que dans l’électorat masculin
- Une ouverture de plus en plus forte sur les enjeux sociétaux contemporains – tels que la lutte contre les violences sexuelles, l’homoparentalité, les droits des animaux ou à la fin de fin de vie – qui va de pair avec un certain statu quo en matière de protection sociale (ex : retraites)
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités de l’Ifop
La crispation identitaire et la demande de protection et d’autorité émise par les Françaises ne signifie pas pour autant un désir de conservatisme sociétal ou de libéralisme sur le plan économique. Comme d’autres études récentes (ex : EVS – 2018), cette enquête met en valeur une double tendance – faussement contradictoire – au libéralisme sociétal d’un côté et à une demande de sécurité de l’autre. Elle met ainsi en exergue l’impasse électorale des candidats qui, s’ils répondent à une demande d’ordre, sont de par leur conservatisme moral en porte-à-faux avec un électorat – notamment féminin – structurellement de plus en plus ouvert sur les enjeux sociétaux.
A – Un parti pris progressiste sur les débats sociétaux…
La première tendance est l’expression d’un certain libéralisme culturel qui se caractérise par un parti pris progressiste sur les débats sociétaux contemporains : GPA, euthanasie, cause animale…
- Les Françaises sont soucieuses d’un traitement pénal plus efficace des faits de violences sexuelles : 93% d’entre elles défendent la création d’une justice spécialisée sur le modèle de la proposition de la candidate Valérie Pécresse, soit une proportion légèrement inférieure que celle observée chez les hommes (85%)
- Pour une majorité de femmes, la gestation pour autrui (GPA) doit être ouverte à tous, comme cela se pratique dans divers pays. Dans le détail, 62% des Françaises considèrent toujours plus que le recours à une mère porteuse devrait être autorisé pour les couples homosexuels, contre 44% en 2014. Une tendance à la hausse qui se retrouve pour les couples hétérosexuels (72% aujourd’hui contre 61% en 2014).
- Les résultats auprès des femmes mettent également en exergue un certain attrait pour la question de la cause animale. En effet, trois femmes sur quatre (75%) sont favorables à l’interdiction de la chasse le week-end.
- Aujourd’hui interdit en France, le suicide assisté est peu présent dans les débats de la campagne présidentielle alors que sa mise en place est largement soutenue : 88% des femmes se positionnent majoritairement en faveur de son autorisation, ce qui fait dire à Janine Mossuz-Lavau que « les responsables politiques ont un temps de retard par rapport à l’opinion ».
Le point de vue de Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherches CNRS au Cevipof
« Il n’y a pas d’énormes différences avec les réponses des hommes, ce qui est une bonne chose. On note toutefois que les femmes sont un peu moins répressives, sécuritaires et hostiles aux étrangers qu’eux. »
B – …qui va de pair avec une demande d’autorité et de sécurité
Ce libéralisme sociétal n’empêche pas une demande d’autorité et une droitisation de la part des femmes interrogées se matérialisant par un durcissement de leur position sur les questions sécuritaires et identitaires.
- Cette demande de sécurité s’exprime chez les Françaises par la défense majoritaire de l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans (79%) permettant de renforcer les possibilités d’emprisonnement des mineurs délinquants.
- Les femmes s’accordent aussi sur la réservation des allocations familiales aux ressortissants de l’Union Européenne (70%). De même, elles sont légèrement favorables à la suppression de l’Aide Médicale d’Etat (54%), une aide fournit inconditionnellement à tout étranger entrant sur le sol français qu’Éric Zemmour souhaite faire disparaître.
- La droitisation du positionnement des femmes sur les sujets sécuritaires s’illustre également dans le domaine de l’éducation. En effet, les femmes interrogées sont majoritairement favorables à la fin du collège unique (75%). Une mesure confortant les candidats de droite et « traduisant un certain malaise général sur la question de la mixité sociale » comme l’explique François Kraus.
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités de l’Ifop,
« Certes, le sondage confirme une droitisation de l’électorat féminin. Sur le régalien, les femmes expriment une demande d’autorité. Pour autant, elles ont des positions libertaires, moins conservatrices sur le plan sociétal que les hommes. »
C – L’expression d’un « gender gap » sur certains sujets
Les problématiques économiques et sociales, mais aussi des thématiques clivantes comme le nucléaire et la suppression du droit du sol, illustrent la persistance d’une différenciation marquée entre les prises de positions des femmes et celles des hommes.
- Les Françaises sont assez partagées sur la question de la suppression du droit du sol permettant l’acquisition automatique de la nationalité françaises aux enfants nés en France de parents étrangers : 58% des femmes y sont favorables contre 66% des hommes.
- De même sur la question de la cause animale, cet écart s’exprime également de manière significative. Tandis que 67% des Françaises souhaitent l’instauration d’un secrétariat d’Etat à la cause animale, les hommes ne soutiennent la mesure qu’à 55%.
- 3. Dans un tout autre registre, la question du nucléaire illustre un clivage entre les deux sexes qui reflète leur plus grande sensibilité aux questions environnementales. De fait, les femmes sont 55% à souhaiter l’arrêt du recours à l’énergie nucléaire contre 35% des
- 4. Enfin, malgré la tendance commune entre hommes et femmes à davantage soutenir l’extension de la GPA aux couples homosexuels, cette question met tout de même en exergue un « gender gap » avec 11 points d’écart entre l’adhésion des femmes à cette mesure (62%) et celle des hommes (51%).
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités de l’Ifop
La crispation identitaire et la demande de protection et d’autorité émise par les Françaises ne signifie pas pour autant un désir de conservatisme sociétal ou de libéralisme sur le plan économique. Comme d’autres études récentes (ex : European Values Survey – 2018), cette enquête met en valeur une double tendance – faussement contradictoire – au libéralisme sociétal d’un côté et à une demande de sécurité de l’autre. Elle met ainsi en exergue l’impasse électorale des candidats qui, s’ils répondent à une demande d’ordre, affichent un conservatisme sociétal qui les met en porte-à-faux avec un électorat – notamment féminin – qui s’avère, structurellement, de plus en plus ouvert sur les enjeux sociétaux.
CONTACTS :
François KRAUS, directeur du pôle « Politique / Actualités » de l’Ifop
Pour toute demande de renseignements à propos de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’une enquête similaire, vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776