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Les Français et le cannabis La longue marche de l’opinion vers la dépénalisation

Dans un contexte marqué par les débats autour de la mobilisation des forces de l’ordre contre le trafic de drogue (ex : décès d’un policier à Avignon) et la publication d’un rapport parlementaire (5 mai) défendant une position – la « légalisation régulée » du cannabis – allant à l’encontre de celle du gouvernement, une proposition de loi transpartisane est venue, ce mardi 25 mai, relancer le débat sur le sujet en prônant sa légalisation et sa commercialisation sous contrôle des pouvoirs publics. Dans ce cadre, de quel côté penchent les Français sur cette question de la réglementation de l’usage du cannabis et l’efficacité de la répression menée par les autorités depuis des années ? A l’heure où un arrêté doit clarifier la réglementation sur la vente des produits à base de CBD – molécule non-psychotrope du cannabis appelée également « cannabis light » ou « chanvre bien-être » –, le site CBD-grams.com a commandé à l’Ifop une enquête visant à délivrer des données fiables et récentes sur ce sujet. Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif de taille conséquente (2 025 personnes), cette étude d’envergure met en lumière une ouverture croissante de l’opinion publique à un assouplissement de la règlementation.

 

1 / UNE MAJORITÉ DE FRANÇAIS EN FAVEUR DE LA DEPENALISATION DU CANNABIS

 

Un basculement « symbolique » de l’opinion en faveur d’un assouplissement de la règlementation

Pour la première fois depuis le vote de la loi de 1970, la « dépénalisation » du cannabis est soutenue par une majorité de Français : 51% y sont favorables, soit un taux d’adhésion en hausse de 8 points par rapport à la dernière mesure de l’Ifop (43% en 2017) et qui s’avère aujourd’hui deux fois supérieur à la première étude menée il y a une quarantaine d’années sur le sujet (27% en 1977). Ce passage de la barre « symbolique » des 50% semble avant tout lié à une « décrispation » progressive de l’opinion ces dix dernières années : le taux d’adhésion à la dépénalisation ayant essentiellement progressé au cours de la dernière décennie, passant de 36% en 2011 à 41% en 2016 pour finir à 51% aujourd’hui (mai 2021).

Un soutien à la dépénalisation qui n’est plus l’apanage des électeurs de gauche

Malgré l’opposition ferme du Président à cette idée, il est intéressant de noter que les électeurs macronistes y sont, eux, majoritairement favorables (à 54%), contrairement à des électorats plus à droite comme les électeurs lepenistes (40%). Plus encore, les sympathisants de gauche y sont massivement favorables, en particulier les potentiels électeurs de Jean-Luc Mélenchon (75%) et de Yannick Jadot (77%).

De manière plus générale, les sympathisants des partis les plus progressistes – France Insoumise (76%), Europe Ecologie-Les Verts (68%) ou encore Parti socialiste (63%) – sont ceux qui comptent le plus d’adeptes de la dépénalisation mais on note que leur nombre a aussi augmenté significativement (+ 14 à 15 points) chez les sympathisants LR (35%) et RN (42%) au cours des dix dernières années.

Des évolutions de perception aux ampleurs hétérogènes selon l’âge ou le sexe

Si la moitié des moins de 35 ans étaient déjà partisans de la dépénalisation en 2011, leur perception n’a guère évolué là où la progression a été spectaculaire chez les 35-49 ans (59% ; +29pts en dix ans) et les 50-64 ans (52%, +20pts). Des évolutions trop importantes pour être simplement dues au vieillissement de la population. Les seniors sont désormais la seule tranche d’âge à ne pas être majoritairement favorables à la dépénalisation du cannabis (38% de « plutôt favorable » parmi les 65 ans et plus).

Point marquant : le soutien à la dépénalisation a perdu sa dimension genrée. Alors qu’en 2011, les hommes étaient significativement plus nombreux que les femmes en faveur de la dépénalisation (43% contre 30%), il n’existe plus désormais de différence entre les deux sexes (51% de partisans de la dépénalisation chacun). Un indicateur qui va à l’encontre d’un constat régulièrement fait dans les études sur des questions de santé : la spécificité du public féminin, habituellement plus « prudent » (en raison de son assignation par notre société aux postures liées au « care » / attention à l’autre).

 

2 / ET C’EST MEME A UNE VERITABLE LEGALISATION QU’ASPIRENT LES FRANÇAIS QUAND ON ANALYSE LEURS ATTENTES EN MATIERE D’ENCADREMENT DE LA CONSOMMATION ET DE PRODUCTION

 

Dépénalisation n’est pas synonyme de légalisation (autorisation légale). Dépénaliser la consommation de stupéfiants ne reviendrait pas nécessairement à supprimer l’interdiction mais à supprimer la procédure pénale. Or, lorsqu’on interroge plus précisément les Français sur leurs attentes en matière d’encadrement de la consommation et de production, on observe que derrière l’assouplissement de la règlementation défendu par une majorité de Français, ceux-ci aspirent plus (à 47%) à une légalisation du cannabis – c’est-à-dire à une autorisation à la fois de sa consommation et de sa production – qu’à une dépénalisation (à 9%) qui se limiterait à une levée des poursuites pénales attachées à son usage.

A noter que ces résultats viennent relativiser ceux de la consultation citoyenne du 6 mai 2021 sur le cannabis récréatif qui constatait un plébiscite en faveur de la législation du cannabis (80,8%). Un résultat qui ne cadre cependant pas avec notre échantillon représentatif de la population française, lequel en posant la question strictement dans les mêmes termes ne donne « que » 47% des Français en faveur de la légalisation. D’importants écarts se retrouvent pour chaque réponse possible et notamment pour les partisans du renforcement des sanctions pour trafic ou usage de cannabis (35% dans notre sondage, 4% selon la consultation non représentative).

 

3 / LA MAJORITE DES FRANÇAIS PENSE QUE LA VENTE DE CANNABIS SOUS LE CONTROLE DE L’ETAT SERAIT PLUS EFFICACE QUE L’INTERDICTION POUR LUTTER CONTRE LES TRAFICS…

 

Allant dans le même sens que le projet de loi défendu par le député Éric Coquerel (LFI), l’opinion publique se montre plus que jamais acquise à l’idée d’une commercialisation du cannabis sous contrôle des pouvoirs publics : près des deux tiers des Français (62%, +10 points par rapport à 2016) pensent que ce serait plus efficace pour lutter contre le trafic.

C’est logiquement ce que pensent 91% des partisans de la dépénalisation mais aussi désormais 62% des Français. Ce score a progressé de 10 points depuis 2018, de manière cohérente avec l’évolution des points de vue sur la dépénalisation. Les plus sceptiques envers cet argument d’un contrôle plus efficace que la répression sont les sympathisants des Républicains (49% d’accord avec l’argument) et les seniors (53%).

A noter que ce taux est très proche de la proportion de Français (67%) estimant que sa « légalisation régulée » permettrait de « reprendre le contrôle » face aux trafiquants et mieux protéger la santé des consommateurs.

 

4 / UN QUASI-CONSENSUS EN FAVEUR DE LA LEGALISATION DU CANNABIS A USAGE THERAPEUTIQUE

 

Plus des trois quarts (78%) des Français se montrent favorables à la légalisation de l’usage du cannabis à titre thérapeutique. Une fort taux d’adhésion que l’on retrouve y compris parmi les populations les plus réfractaires sur les autres points avec 79% de favorables chez les seniors et tout de même 60% chez les opposants à la dépénalisation en général.

 

5 / UN CONSENSUS AUTOUR DE L’INEFFICACITE DES POLITIQUES ACTUELLES DE LUTTE ET DE REPRESSION

 

Près des trois quarts des Français continuent de penser que l’Etat devrait financer la recherche sur les usages thérapeutiques du cannabis (74%, +1pt depuis 2018). En revanche, une large majorité considère les politiques actuelles de luttes et de répression contre la drogue comme inefficaces, que ce soit pour prévenir les risques de santé (seuls 22% les trouvent efficaces, -4pts), pour limiter la consommation de cannabis (17%) ou enrayer les trafics (16%). A chaque fois, les seniors sont les plus sceptiques. Enfin, si 32% des Français considèrent que la pénalisation des consommateurs est aujourd’hui excessive, cette proportion est assez nettement inférieure à celle des partisans de la dépénalisation. De fait, cette vision est avant tout partagée par les franges de la population aux plus faibles revenus : jeunes (41%), ouvriers (42%) et catégories pauvres (44%).

 

6 / LE COVID-19, UN FREIN EPHEMERE A LA CONSOMMATION DE CANNABIS ?

 

Substance illicite la plus consommée en France, le cannabis voyait son nombre d’usagers s’accroitre depuis plusieurs années dans le pays avant que ne débute l’épidémie de coronavirus. Et l’on peut légitimement supposer que cette crise sanitaire, avec les restrictions apportées, a contribué au recul de la consommation récente de cannabis en France.

 

En effet, un peu plus d’un an après le commencement des restrictions sanitaires, la proportion de consommateurs « actuels » (ayant consommé du cannabis il y a moins d’un an) est redescendue à 8% des Français de 18-64 ans, perdant 3 points depuis la précédente mesure en 2017.

Cependant, la proportion de consommateurs récents de cannabis (consommation dans les trente derniers jours) est quasiment stable, mesurée aujourd’hui à 5% contre 6% lors des deux précédentes mesures (2014 et 2017).

En dépit de la conjoncture, un point n’a guère changé : le profil des consommateurs de cannabis. Ainsi, notre étude confirme que la consommation de ce produit est un phénomène à la fois générationnel et genré. La consommation et a fortiori l’expérimentation (consommation au moins une fois au cours de sa vie) est plutôt masculine (7 points de plus que chez les femmes).

 

La proportion de consommateurs au cours des douze derniers mois parmi les 50-64 ans est, elle, plus de trois fois inférieure à celle mesurée chez les 18-24 ans (4% contre 15%). Si les écarts d’expérimentation entre catégories socioprofessionnelles sont assez peu importants, la consommation actuelle est, elle, davantage présente parmi les catégories aux statuts les moins privilégiés : chômeurs (13%), ouvriers (12%), catégories pauvres (11%) et personnes racisées (15%).

 

Enfin, sur un axe opposant schématiquement progressistes et conservateurs, mais probablement aussi corrélé à l’âge, les sympathisants de la France Insoumise sont particulièrement nombreux parmi les consommateurs actuels (16%) au contraire de ceux des Républicains (0%).

 

7 / LES FRANÇAIS SONT BIEN CONSCIENTS DES RISQUES DE LA CONSOMMATION DE CANNABIS CHEZ LES PLUS JEUNES

 

En effet, 90% des Français considèrent ainsi comme véridique l’affirmation selon laquelle le cerveau d’un adolescent est plus vulnérable à l’apparition de maladies psychiatriques en cas de consommation de cannabis.

 

Une forte majorité considèrent également qu’une telle consommation accroît les risques de troubles psychotiques (86%) et de dépression (78%), tout en présentant des risques pour la santé dès la première consommation (72%).

 

 

LE POINT DE VUE DE GAUTIER JARDON DE L’IFOP SUR L’ENQUÊTE

 

S’il est peu probable – et ceci malgré des dissonances au sein de la majorité – que la dépénalisation du cannabis soit votée d’ici la fin du quinquennat, force est de constater que l’opinion publique est aujourd’hui « mûre » aussi bien pour une légalisation de son usage que pour sa commercialisation sous le contrôle des pouvoirs publics. Cette idée d’un contrôle par l’Etat joue d’ailleurs sans doute beaucoup dans l’adhésion de l’opinion à un assouplissement de la législation en vigueur dans la mesure où elle est loin d’ignorer à la fois les risques pour la santé et le « coût social » global du cannabis en France (coût en vies humaines, dépenses en soins, répression, prévention). Face au constat de l’inefficacité des politiques répressives menées depuis des décennies, de plus en plus de Français – y compris situés au centre et à droite – placent désormais leurs espoirs dans la dépénalisation et la vente régulée par l’Etat pour « reprendre le contrôle » sur le cannabis : un certain pragmatisme et le souci d’efficacité des moyens de l’Etat (police, justice) contribuant sans doute à la « décrispation » d’une partie de l’opinion sur ce sujet. Dans la perspective d’une campagne présidentielle où les enjeux liés à la sécurité risquent de jouer un rôle prépondérant, il est donc probable que le débat sur l’assouplissement revienne sur le tapis tant le « risque d’opinion » sur le sujet semble moins élevé qu’il y a une dizaine d’années.

 

Gautier JARDON

Chargé d’étude au Pôle Politique / Actualités de l’Ifop

 

POUR CITER CETTE ETUDE, IL FAUT UTILISER A MINIMA LA FORMULATION SUIVANTE :

« Étude Ifop pour CBD-grams.com réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 17 mai 2021 auprès d’un échantillon de 2 025 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. »

 

Retrouvez l’intégralité de l’analyse de Gautier Jardon pour la Fondation Jean Jaurès : https://jean-jaures.org/nos-productions/depenalisation-du-cannabis-la-longue-marche-de-l-opinion

 

CONTACTS :

 

François KRAUS, directeur du pôle « Politique / Actualités »  de l’Ifop

 

Pour toute demande de renseignements à propos de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’une enquête similaire, vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776

 

 

Document à télécharger

Les résultats

Méthodologie de recueil

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 2025 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 17 mai 2021.

Vos interlocuteurs

François Kraus Directeur du pôle Politique / Actualités - Opinion & Stratégies d'Entreprises

Gautier Jardon Chargé d’études – Département Opinion et Stratégies d’Entreprise

Légalisation cannabis

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Méthodologie de recueil

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 2025 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 17 mai 2021.

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